Ah, ce moment des repas. Je ne sais pas pour toi, mais manger avec 3 enfants, ce n'est pas chez nous une image d'épinal. Et quand j'arrive à rester 5 minutes assise d'affilée, je crie un peu au miracle. Entre un bébé de 18 mois qui certes mange seul mais veut tout goûter de ce qu'il voit sur la table et n'a pas encore appris la patience, un moyen qui n'aime rien tant que le riz et les pommes dauphines et ne tient pas assis, et une ado pour qui le mot féculent est synonyme de vie, la tranquillité n'est pas vraiment de mise.
Pourtant, avec un peu de réflexion, on arrive à avoir des repas plutôt agréables et avec assez peu de conflits, grâce à l'éducation RIE.
Je t'explique.
Rares sont les enfants qui mangent de tout avec enthousiasme. Face à leurs réticences rapport à tout ce qui est vert, nouveau, trop ou pas assez mélangé...on a deux options classiques: forcer à manger, ou forcer à goûter.
Je n'ai jamais trouvé pertinent de forcer un enfant à manger un plat qu'il n'aime pas. J'ai moi-même d'affreux souvenirs devant des assiettes que de détestais, interdite de me lever avant d'avoir terminé, alors que chaque bouchée me soulevait le coeur.
Je n'ai jamais compris comment on peut ne pas se forcer soi-même, adulte, ou les autres adultes autour de nous, à manger ce qu'on n'aime pas, et pourtant ne pas reconnaitre à un enfant le droit d'avoir des goûts, et des dégoûts.
Est ce que tu te forces à manger un truc que tu n'aimes vraiment pas? Est ce que tu forces tes invités, ta famille, ton conjoint? Non, n'est ce pas? Alors pourquoi forcer un enfant? En éducation respectueuse, on ne traite pas un enfant différemment d'un adulte sous prétexte qu'il est plus jeune (et plus vulnérable...).
" Ne pas aimer un aliment n’est ni bien ni mal. C’est un fait. " Catherine Gueguen.
La seconde option est celle que j'avais pratiquée jusqu'ici: faire goûter. Ce qui avait bien fonctionné avec une Pouillette docile, était un point de friction avec le Cromignon. Et nos repas tournaient autour de "faire goûter" à Cromignon ce qui ne le tentait pas du tout, on s'en sortait au mieux avec un micro-bout totalement ridicule touché du bout des lèvres...
Du coup, on était coincés. Refusant de goûter, Cromignon pouvait être fort pénible à table, voire faire une belle colère. Et s'il goutait, ça n'avait aucun intérêt du point de vue de la découverte du goût vu la quantité microscopique avalée. On se retrouvait alors dans ce qu'on s'efforce de bannir de nos vies: une lutte de pouvoir pure.
Tu sais, quand j'ai un souci, eh bien je cherche une solution! Et j'y ai trouvé une excellente alternative, qui permet à la fois de respecter les enfants, leur développement, tout en leur proposant des aliments variés (et verts parfois!).
Beaucoup d'enfants se braquent à la vue de nouveautés, légumes, ou autre. J'ai appris que leur cerveau immature a besoin de temps pour s'habituer, s'intéresser et avoir envie de découvrir de nouveaux aliments. Plus ou moins de temps selon l'enfant, son âge, etc.
L'idée est de proposer un aliment aimé en même temps qu'un aliment nouveau ou problématique. Et d'en servir un peu à l'enfant, sans le forcer à quoi que ce soit. A force de le voir dans son assiette, à force de nous voir le manger et l'apprécier, lui aussi sera curieux et voudra le goûter. Ca peut aller jusqu'à une vingtaine de fois, avant que s'opère ce mécanisme. Mais il s'opère, je peux en témoigner avec Cromignon. Pas à chaque fois, bien sûr! Mais c'est très efficace pour l'ambiance agréable à table d'une part, le respect de l'enfant d'autre part et la découverte des aliments dans la joie et la bonne humeur.
Et alors, on fait comment?
En amont, on explique à l'enfant ce qu'on va faire. Qu'on lui proposera dans son assiette des aliments variés, qui sont bons, qui contiennent plein de bonnes choses pour bien grandir. Que s'il souhaite, il peut en manger, juste en goûter, ou simplement les regarder.
On met une petite quantité, l'équivalent d'une cuillère à soupe, de l'aliment problématique dans l'assiette de l'enfant en même temps qu'un autre aliment qu'il apprécie, et on lui explique ce que c'est. Et c'est tout. Pas besoin de scruter ce qu'il fait, et pas grave s'il n'y touche pas. Dans 2, 10, 15 ou 20 voire 30 fois, il goûtera. C'est scientifique, sans déconner. Déjà tu dédramatises le truc, tu n'en fais pas un enjeu, l'enfant va se détendre aussi, te voir manger, et il y viendra aussi. Sisisisisi.
On peut aussi éveiller la curiosité avant le repas en associant l'enfant à la préparation du repas. Ca marche vraiment bien ici. Cromignon goûte quasi à coup sûr les plats qu'il a aidé à faire. Ce qui ne veut pas dire qu'il aimera ou en fera une orgie.
Et au final?
Eh bien on a des repas sans rapport de force autour de la nourriture, et ça c'est chouette. Cromignon a plusieurs fois goûté des trucs que je ne lui aurais jamais fait goûter avant. Et quand il le fait de lui-même, il est tout fier: "tu as vu maman? J'ai goûté les lasagnes! Mais j'aime pas quand même!" Ah oui, ce n'est pas magique, hein...C'est loin de fonctionner à chaque repas. Mais maintenant qu'on a un fonctionnement sans tensions, on est ravis et on ne reviendra pas en arrière! Les épinards, il les goûtera quand il les goûtera...
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