Pas facile ces derniers jours sur la toile. Pas facile de lire tous ces témoignages, anonymes ou non, qui me jettent à la figure l'ampleur du mal être, l'ampleur des malheurs, l'ampleur de la peur que vivent quasiment toutes les femmes uniquement parce qu'elles sont des femmes dans une société patriarcale.
Pas facile quand on est féministe en pleine déconstruction (je m'attaque en ce moment à l'affaire des poils. Mon objectif: ne plus trouver qu'il est très laid d'avoir du poil sous les bras. Pourquoi les hommes pourraient en avoir et pas les femmes?).
Pas facile de voir que malgré tout, ça avance, on en parle de plus en plus, on supporte de moins en moins, les langues se délient mais qu'on est encore très loin de l'arrêt des violences, du harcèlement et du sexisme ordinaire humiliant.
Pas facile de réaliser que tous ces actes resteront impunis légalement dans leur grande majorité.
De réaliser que ces hommes sont à l'abri.
Pas facile non plus de garder confiance: toutes ces femmes, presque toutes les femmes, et pas qu'une fois, ont été victimes....de combien d'hommes? Est ce que presque tous les hommes sont coupables? A quel degré? Au moins une fois dans leur vie?
Forcément je pense à ma fille. Ma fille qui est féministe, qui ose dire à son prof d'EPS (qui s'en fout) que non les filles n'ont pas à avoir 2 points d'avance sur les garçons au badminton. Pourquoi pas à la pétanque aussi. Ou aux échecs. (Digression: savais tu que les championnats d'échecs ne sont pas mixtes?! Sans déconner!)
Qu'est ce qu'elle aura a subir? Autant que moi? Moins car nous vivons dans un cadre plus tranquille et surtout moins peuplé que le 93 où j'ai grandi? Ou pire?
Et mes fils? Seront ils des coupables eux aussi? Cromignon semble pour le moment bénéficier de nos enseignements, il sait défendre ses cheveux longs, son goût pour le rose, et joue indifféremment avec ses copines et ses copains. Mais hélas le sexisme systématique est plus fort que l'éducation, que fera t'il s'il voit ses copains ennuyer des filles, tenir des propos sexistes ou pire?
Pas facile de lire les réactions de certains homes. On a droit à des males tears, des notallmen, du mansplaining en veux-tu en voilà. Alors que je pense que pour une fois qu'on l'ouvre, et qu'on découvre l'ampleur de la souffrance de ces femmes qui témoignent, la bonne attitude est de se taire, d'écouter, de comprendre, spécialement quand on n'a rien à se reprocher. Surement pas de les traiter de menteuses, de dire qu'elles exagèrent, qu'elles se trompent, que les hommes aussi peuvent être victimes, etc...
Mais par dessus tout ce n'est pas facile de tout se reprendre dans la figure. Tout ce qui était bien enfoui bien tenu et qui, à ces lectures, est remonté. De mettre les vrais mots sur les choses. Harcèlement. Sexisme. Violences. Agressions. Tout ce qui est remonté avec la bonne étiquette cette fois.
Ma peur, enfant, de croiser des bandes de garçons qui trainent dehors, sans pouvoir éviter le groupe. Cette peur là était quotidienne. J'y affrontais moqueries, insultes, remarques sexuelles, parfois on tentait de me faire tomber ou de me toucher... A chaque sortie de chez moi mes yeux avaient appris à balayer l'espace, à anticiper, à trouver des plans B pour dévier rapidement ma trajectoire au moindre signe de rassemblement masculin. Jamais je ne me suis posée la question de la normalité de la chose. C'était ma vie, c'était celle de mes copines aussi, on n'en parlait pas, on le vivait. Je sais avoir épargnée tout ça à ma fille et j'en suis très heureuse.
A 8 ans un groupe de garçons pas plus âgés m'avait ainsi attrapée en revenant de l'école. Ils avaient essayé de me faire tomber en tirant mon cartable et mes cheveux. Une dame est arrivée en leur criant dessus et ils se sont sauvés. Et moi aussi, hagarde, en faisant le sprint de ma vie, sans même la remercier.
Au collège, j'ai bien appris à répondre à toutes les injures, questions sexuelles, concernant ma couleur de cheveux ." C'est vrai que les rousses, ça pue quand on les baise?". "Tu ne le sauras jamais connard".
Il y a eu pire à cette période mais je ne me sens pas prête à en témoigner. Une agression, que j'avais enfouie et intégrée à tel point que jamais je ne l'aurais nommée ainsi, à tel point que je l'avais gommée de ma mémoire comme non évènement.
Il y en a eu une seconde ensuite.
Et puis deux autres après.
Le harcèlement de rue, c'était quotidien. La rue, le métro, les bus. L'espace public était régi par les hommes, jamais je ne me suis rebellée, jamais je n'en n'ai parlé, j'ai juste appris quelques stratégies d'évitement. Je croyais que c'était normal, comme de se lever le matin. Désagréable mais inévitable. En fait je n'y avais jamais réfléchi vraiment.
Il y a eu cette fois où j'ai réagi, je me suis rebellée, j'ai crié, j'ai insulté. Et j'ai bien failli me faire rouer de coups voire jeter sous le métro, tant le gars était dans un état de rage folle. Heureusement il était avec un ami qui l'a retenu.
J'ai collaboré à ce système. Je disais à mes copines d'éviter les rues sombres. d'éviter tenues "provocantes" et maquillage trop chargé. D'éviter de finir ivre aux soirées. Je disais que les hommes sont comme ça. Que la drague lourdingue n'était pas du harcèlement.
J'ai la chance ne pas ressentir de culpabilité. Ce n’est pas mon truc. Allez peut-être un peu sur une des agressions, je trouve que j'ai été tellement naïve. Trop.
Par contre je regrette vraiment de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt. Je regrette vraiment. Je m'en veux d'avoir joué le jeu, d'être rentrée dans le moule.
Heureusement c'est terminé. J'espère que pour toi aussi.
commenter cet article …
alounette 26/10/2017 01:23
PetitDiable 05/11/2017 22:02
lizagrece 25/10/2017 10:15
PetitDiable 05/11/2017 22:00
La Carne 24/10/2017 16:52
PetitDiable 05/11/2017 22:00