Autour de moi, vous êtes nombreux, nombreuses, à faire comme nous en matière d'éducation. Pas exactement pareil, non. On est tous différents.
Mais comme nous: toi qui allaite, ou qui porte, ou qui materne, ou qui a mis en place une manière d'élever ses enfants sans cris, sans punitions. Liste non exhaustive.
Toi qui t'es renseigné sur le fonctionnement du cerveau des bébés, des enfants, qui a cherché à comprendre comment ils apprennent, comment faire pour qu'ils se sentent bien, en sécurité, entourés, et peut-être par dessus tout: compris.
Toi qui a lu. Beaucoup lu. Parce qu'on ne naît pas avec les connaissances sur le développement du cerveau humain, sur la gestion des émotions, sur le fonctionnement des bébés et des enfants. Sur leurs besoins. Sur le pourquoi de certains de leurs comportements.
Car les enfants ne sont pas adultes miniature.
Car ça ne s'apprend pas en écoutant ce que donne la voisine ou le boulanger comme conseils. Non plus tes parents, non plus ta grand-tante. Pas même le pédiatre. Peut être même parfois surtout pas le pédiatre...L'éducation ce n'est pas une question médicale, ça ne se gère pas comme une otite. Et le corps médical a bien souvent son nombre de gens aux idées reçues bien ancrées. Je me souviens de cette pédiatre, avec des années d'ancienneté, qui m'a conseillé de frapper Cromignon, 2 ans, parce qu'il touchait un peu à tout dans son cabinet alors qu'en prime il avait une belle grosse bronchiolite.
Toi qui a, et c'est peut être ça, THE point difficile, remis en question le modèle éducatif que tu as reçu.
Toi qui a enlevé les oeillères de la reproduction du comportement. Toi qui a accepté de poser un regard critique sur l'éducation que tu as reçue, celle qu'on donne en France en général. C'est peut être ce que j'ai eu à faire de plus difficile par amour pour mes enfants; mais cet amour a été plus fort que ce solide carcan. L'amour et la volonté de les élever dans l'harmonie et la coopération, pas dans le pouvoir.
Evidemment j'apprends chaque jour. Quand tout est nouveau, on déconstruit et on crée pas à pas. On se trompe parfois, on recarde, on recentre. On doute bien sûr. Toi aussi.
Toi qui a refusé aussi de renoncer à ton bien être personnel, qui fait passer le bonheur général de la famille en premier, sans oublier le tien. Ne pas s'oublier ou se négliger, c'est un sacré challenge. Je n'y arrive pas toujours, et toi?
Toi qui parfois subis les remarques et critiques de ceux qui n'ont pas (pas encore?) compris ce que tu fais. Qui jugent ton approche alors qu'ils n'y connaissent rien. C'est dur, il est difficile d'exposer tout ce que ce tu as appris et mis en place en deux phrases. Encore plus face à des gens fermés qui ne remettent pas leurs idées en question. Je ne les juge pas, j'étais comme eux, avant. Et sans doute que sur plein d'autres sujets, je suis encore empétrée dans mes idées reçues.
Alors tu subis, tu as préparé 2 ou 3 phrases toutes prêtes pour leur répondre. Pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Et rien de plus stressant pour les humains que de voir d'autres humains faire différemment: il faut vite dénigrer leurs différences, c'est rassurant. Car l'un des deux a forcément tort, dans leurs esprits. Et ils ne veulent pas avoir tort.
Je ne leur jette pas la pierre: je sais comme c'est dur d'accepter qu'une autre voie est possible, une autre que celle qu'on nous a apprise, une autre que celle qu'on voit et dans laquelle on a baigné et on baigne tous les jours. Ca demande beaucoup de réflexion, et de remise en question. J'ai envie de dire qu'il faut un déclic qui vienne n'un réel besoin.
Toi qui a été élevé à coups de fessées, voire de ceinture, ou simplement dans un adultisme et une violence éducative ordinaire banals. Dans un rapport de force et de pouvoir: adultes dominants, enfants dominés qui doivent obéir. On t'a toujours appris ça, et quand on sort du cadre, les punitions, les coin et les coups. La fameuse fessée.
On n'a pas cherché à savoir pourquoi tu bougeais à table comme si tu avais des vers: c'est juste parce qu'à 2/3/4 ans, et même plus, la plupart des enfants ne peuvent pas rester assis sans bouger pendant 20 minutes. C'est leur cerveau qui veut ça, leur développement, pas une carence éducative. Alors tu te faisais gronder, punir, envoyer au coin, ou tu prenais une tape. Tu n'avais rien fait de mal pourtant, tu ne comprenais pas pourquoi tes parents que tu aimes plus que tout, qui sont tes Dieux vivants, pourquoi ils te rejettent ainsi. Mais tu as appris à te conformer au codes par peur des punitions. En emmagasinant de la peur, de la tristesse, de la colère, du manque de confiance en toi et dans les autres, et encore plein d'autres trucs bien désagréables. Attitude que tu auras une grosse tendance à avoir avec tes enfants sans te poser de questions: le cerveau reproduit ce qu'il a vécu, ce couillon, sinon c'est l'angoisse. C'est ce que tu as appris, alors tu fais ce que tu as appris. Logique.
A un moment dans notre histoire un truc a merdé: on a considéré l'éducation comme un rapport de force. C'est ça, peut-être, la plus grosse erreur de notre société.
Quand on me demande: "mais pourquoi tu t'emmerdes? Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde? On toujours fait comme ça!" Je réponds: "Parce que ça marche? Ca se passe bien, dans les familles? Ils vont bien, les Français? Il te plaît, le monde comme il est? RAS, rien à changer?" ou encore: "Parce que tu aimes ça crier? Punir? Frapper tes enfants? Tu crois qu'il aiment ça? Tu crois que c'est nécessaire et inévitable, mais c'est faux: on peut faire autrement, sans pour autant être laxiste".
Toi tu sais, tu as compris, comme on avancera dans le bon sens en éduquant nos enfants dans la collaboration et pas dans la loi du plus fort.
Ce n'est pas facile, mais ça en vaut la peine. Je crois vraiment que tu changeras le monde.
Et tu n'es pas seul.
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