Ces derniers temps, c'est un thème à la mode: tu peux lire pas mal de témoignages divers et variés sur ce sujet.
Je me suis interrogée parce que personnellement, j'ai vécu certains cas racontés de ci de là, et beaucoup d'ailleurs.
Et si certains ont été très pénibles, d'autres ne m'ont pas traumatisée.
C'est à dire que je ne sais pas si: ça ne me dérange pas, je m'en fous, ou si j'en ai tant et tant subis et vécus que j'avais intégré ces comportements comme "normaux".
Je ne sais vraiment pas.
En vrac, j'ai eu pas mal de mésaventures.
Très jeune, dès le collège, j'ai été abordée dans la rue, plus que souvent.
On m'a suivie, on m'a insultée.
Je suis rousse, j'ai eu droit très tôt à tout le cortège de charmantes idées reçues sur la question: "les rousses, ça pue quand on les baise, non?" "Et tu es rousse partout?" J'ai haï mes cheveux.
Plus tard, on m'a agressée dans les toilettes d'une bibliothèque, et ce n'était pas un "crasseux" mais un gars BCBG plutôt mignon, costard cravatte, qui sortait visiblement du bureau. Je n'ai pas porté plainte. J'avais une jupe courte et des talons hauts. Je me suis sentie coupable.
Dans le métro on a tenté de me toucher, et pas l'épaule. Parfois, on a réussi.
De m'embrasser, aussi. De me prendre la main, par le cou. On m'a carressé les cheveux.
On a parlé de moi très, très fort, pour que j'entende et que tout le monde entende, très vulgairement.
Chaque jour où presque, j'ai été abordée: ça pouvait aller de "très charmante" à "donne moi ton numéro sale pute". Quand je te dis tous les jours je n'exagère pas. Et je pense que c'est le lot de toutes les parisiennes surtout quand elles prennent le métro. Entre mes 18 et mes 24 ans je le prennais facile 4h par jour, ça multiplie forcément les cas.
A la fac, on a tenté de soulever mes jupes, de regarder dessous quand je montais les escaliers. Plus d'une fois. Potache, ou harcèlement?
Je n'ai jamais, sauf la fois où j'ai été agressée à la bibliothèque, eu l'impression que c'était déviant. C'était quotidien. Je savais qu'en mettant cette tenue, je me ferais aborder plus ou moins gentiment 5 à 6 fois dans mes longues journées. Si je mettais cette autre tenue, je savais que ce serait plutôt 15 ou 16.
Pour moi, c'était normal.
Les jours où je ne subissais rien d'agressif ou d'insultant, juste des "très jolie" ou "eh eh, mademoiselle, eh eh!", j'estimais bien m'en sortir.
Dans mes jobs d'étudiante, pareil. il y avait pas mal de collègues qui tentaient des approches maladroites: "ce pantalon te fais de belles fesses!" "'J'aime bien quand tu mets des décolletés". J'avais 20 ans, ça me faisait sourire, d'un sourire un peu gêné. Draguouille lourdaude, ou harcèlement?
Une fois je me suis défendue, et je te raconterais ça à l'occasion. Dans le métro, à un "très jolie!", j'ai osé répondre en disant que je me foutais pas mal de son opinion. Ca a vraiment failli mal finir, et heureusement que le gars en question était accompagné d'un ami qui l'a retenu.
J'étais à la fois contente de moi, pour toutes les inombrables fois où j'avais fermé ma bouche sans même penser une seconde que j'avais le droit de l'ouvrir, mais penaude aussi. Finalement, il n'avaist rien dit de méchant ou de déplacé: n'avais-je pas surréagi?
Aujourd'hui je m'interroge toujours, ça arrive bien moins, vu où l'on vit, mais ça arrive encore.
Je pense à ma fille. Que vais-je lui apprendre? A subir et à encaisser, comme moi? A faire la différence entre ce qui est agressif et déplacé, et ce qui est de l'ordre de la "conversation dragouillante"? Ou à ne rien tolérer?