Il y a eu un temps où je n'y pensais pas.
Un temps où "ces gens-là" étaient, dans mon esprit, des marginaux, des punks à chien, des skinheads désintégrés, des anciens collabos et autres joyeusetés "exotiques". En ce temps là, on ne les voyais pas, on parlait d'eux comme des êtres à part, à qui ils manquait une case, des personnes incompréhensibles pour le reste du monde, comme Céline (l'écrivain,pas l'atsem de mon fils!) mais sans le génie littéraire.
Ils ne se montraient certainement pas au grand jour, ne distribuaient pas leurs tracts avecles autres partis, collaient leurs affiches la nuit, avaient honte peut être, et peur, sûrement.
En ce premier temps, la dernière guerre, elle n'était pas encore très loin dans les esprits: mes deux grands pères, encore loin de la tombe, m'en racontaient les horreurs qui avaient bien failli leur coûter la vie.
En ce temps là, le "Bébête show" de glorieuse mémoire mettait en scène un "Pencassine" à dents de vampire, ridicule et grimé, planqué dans un placard à balais et n'en sortant que sous les huées, pour dire des insanités.
Et puis il y a eu le temps du déni: c'était si éloigné de ma façon de penser que je en voyais pas comment un autre être humain, avec un cerveau foutu comme le mien, pouvait avoir ce type d'idéologie simpliste à l'extrème. D'ailleurs je ne vois toujours, pas, mais passons.
En ce temps-là, je disais "la France n'est pas un pays raciste, voyons! Ca a toujours été une terre d'accueil, à la pointe de l'Europe, à la fin des chemins." Ou encore "Si tu as les dipômes, tu trouveras du travail, voyons, faut pas être parano. Je ne dis pas que ça n'arrive jamais, mais c'est très très rare, de se faire jeter parce qu'on est étranger ou d'origine étrangère." Faut dire que j'ai grandi dans un coin ou l'exception, c'était moi, et je croyais sans doute que le reste du pays était à l'image de ce que je connaissais.
Il y a ensuite eu le temps de la bonne volonté: les Hommes sont intelligents, si certains sont dans l'erreur à ce point, il doit etre facile de le leur montrer. Ils ont dû avoir un moment de faiblesse, comme quand on tombe dans l'alcool ou la drogue à 14 ans, et être mal entourés à ce moment là. Une bonne cure de désintox et zou, on en fera des nanars, pour sûr.
A cette période, j'avais un copain très sympa qui un jour m'a dit sans ciler et en me regardant droit dans les yeux qu'on lui avait refusé les aides au logement parce qu'il était blanc et français, alors qu'on les avait accordées au gars noir qui faisait la queue devant lui à la CAF. Et crois moi, il n'y a pas une seule cellule de mon cerveau qui ne s'est pas senti déboussolée par ce discours incohérent, cherchant une logique inexistante.
Mais c'était le temps de la bonne volonté, alors j'ai rengainé mes envies de cogner tant de bêtise crasse et j'ai parlé. J'ai expliqué que les calculs des aides sociales se faisaient à l'aide d'un ordinateur, sur des critères de ressources et de charges, et que la couleur de la peau n'était pas un item qu'on pouvait cocher ou non dans le formulaire.
Ce à quoi il m'a répondu que quand même, le gars noir, il les avait eues, les aides, lui.
Mais tu sais quoi? J'ai dû me prendre pour mère Thérésa et j'ai continué quelques mois à le fréquenter: je croyais qu'à la longue, je pourrais lui faire comprendre ses erreurs, à quel point c'était crétin ce discours, à quel point il était manipulé.
Peine perdue bien sûr: il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. J'en suis donc arrivée à le dégager de mes fréquentations, aussi sympa soit-il, et en même temps à l'époque actuelle.
Le temps actuel, c'est celui de l'intolérance, oui, oui. Moi qui me fiche de l'opinion des autres sur 90% des choses. Moi qui clame que la vérité n'existe pas, que chacun à la sienne, et qu'il faut arrêter de nous les briser avec les diktats divers et varié. Moi qui apprend à ma Pouillette que les gens ne sont jamais tout noirs ou tout blancs, que chacun à tout un tas de nuances, qu'un très bon ami peut être un mari violent, qu'un patron tyran peut etre un très bon père, je dis que ces gens là sont tout noirs, sont des nuisibles, ne sont pas dignes d'être fréquentés. quelques soient leurs autres qualités.
Sur ce sujet, pas de négociation, pas de tiédeur, pas de compromis.
Je peux fréquenter presque tout le monde, aussi grandes soient nos divergences de vues sur la gestion de nos nos vies, notre rapport aux autres, et la politique.
C'est un sujet ennuyeux, pas vrai? Pas de ceux dont on papote avec les copines en buvant un café, pas vrai?
J'ai dans mes copains des miltants pro-palestiniens et d'autres pro-israéliens qui se frittent sur facebook autant qu'ils peuvent, des électeurs (déçus souvent, mais c'est une autre histoire) de Sarkozy et d'autres (non moins déçus d'ailleurs, comme quoi...) de Hollande. Des anarchistes trotskystes prosélytes et les admirateurs de Juppé. J'ai été à la fête de Lutte Ouvrière avec des copains qui votaient Chirac. Et tout ce petit monde cohabite joyeusement chez moi pour l'apéro.
Mais il y a une limite. Sur ce sujet, l'Histoire me rends raison, la vérité, LA vérité, c'est bien moi, c'est bien nous qui l'avons.
Sur ce sujet là, il n'y en a bien qu'Une, celle des "gentils", et les "méchants" c'est pas nous.
Oui il y a un mec sur quatre ou cinq en France qui est un haineux médiocre. Qui croit des discours de haine, qui n'a rien foutu en cours d'histoire. Qui rejette toujours la faute sur l'autre. Qui croit qu'une crise économique mondiale peut être imputée à 10% de la population française. Qui croit que Pétain est un héros de la première guerre (d'ailleurs là dessus aussi j'aurais à en dire). Que Vichy n'est qu'une ville d'Auvergne un peu bourgeoise où coule une eau gazeuse célèbre.
Aujourd'hui ceux qui croient des fascistes légèrement déguisés, devenus étonnament fréquentables dans l'univers médiatico-politique, sans avoir même lu leur programme, sans avoir la moindre idée de ce qui les attend en cas de vistoire de ces gens là, n'ont pas de cerveau. Et ceux qui les croient en ayant lu le programme sont bien pire que des crétins.
Je dis que les "imbéciles heureux qui sont nés quelque part" n'ont jamais réfléchi à ce que c'est d'être un Homme, à cette barbarie artificielle que sont les frontières, les pays, les Etats. C'est tellement plus facile de se vautrer dans le populisme le plus basique que de se poser des questions!
La tolérance avec ces gens là? Des révisionistes puants qui écoutent tranquillement un mec dire que "les chambres à gaz ne sont qu'un détail de la seconde guerre mondiale"? La tolérance avec ceux qui regardent les autres cultures comme inférieures?
Quant à respecter la démocratie et le droit des gens à s'exprimer, certainement pas avec un parti anti-démocratique lui-même. Le droit de s'exprimer, c'est dans le respect des libertés des autres, tu sais, là où s'arrête la mienne, la tienne et la leur aussi.
Je l'ai déjà dit ici et ailleurs: les sympathisants du FN, je n'ai rien à leur dire: ce serait comme expliquer le théorème de Pythagore à mon chien, ils ne peuvent pas comprendre.