Je pense pouvoir crier victoire.
J'ai attendu 1 an et demi avant de le faire. J'avais peur que ça ne me porte la poisse. Je sais bien que rien n'est jamais acquis dans le comportement humain.
Je ne crie plus. Plus du tout.
Sur le Cromignon, je n'ai jamais vraiment crié. Il est trop petit pour m'exasperer. Quand il me pousse à bout, je le met au coin, ou je sors. Mais ce n'est plus non plus arrivé depuis un moment (que je sorte parce qu'il me tue, parce que le coin, ça arrive encore par périodes).
Mais sur la Pouillette, j'ai crié.
Elle a toujours été un bébé et une petite fille calme. Je n'ai commencé à m'énerver qu'à son entrée en maternelle. Parce que son calme allait avec un certain flegme, une nonchalance qui me la rendait pénible quand j'avais en tout et pour tout 1/2 h pour la préparer.
J'ai tout de même tenté d'agir: au lieu d'1/2h, j'ai prévu plus de temps. J'ai eu quelques avancées, mais au final je criais quand même sur elle au moins une fois par semaine.
Je me souviens d'une matinée où je l'avais envoyée s'habiller pendant que je préparais le petit déjeuner. Elle était en CP. Au bout du quart d'heure réglementaire, je l'ai retrouvée en l'état, pyj' et cheveux en l'air, en train de "mettre le bavoir au bébé", à savoir sa poupée. J'ai dû beaucoup crier ce jour là.
Ca a été crescendo avec le temps. Plus elle grandissait, plus j'attendais d'elle une autonomie qu'elle n'acquiérait pas, ou pas assez vite à mon goût. Et plus souvent encore, je criais.
Quand le Cromignon est né, j'ai continué à crier sur elle, parce que justement, elle avait 8 ans et j'aurais voulu qu'elle participe plus, qu'elle soit plus débrouillarde. Que je n'aie pas besoin de sans cesse lui rappeler qu'elle devait se brosser les dents, faire ses devoirs...
J'en suis arrivée à crier au moins une fois un jour sur deux, quasiment. Sans m'en rendre compte. A force de lui répéter la même chose plusieurs fois, à force qu'elle oublie des choses, qu'elle perde ses affaires, qu'elle soit lente.... C'est l'homme qui me l'a fait remarquer. Et j'ai décidé d'arrêter.
Comme on arrête la cigarette, comme on arrête une mauvais habitude nuisible.
Ca nous pourrissait la vie.
Je ne vais pas te mentir: ce fut difficile. il n'y a pas de méthode miracle, sinon plus personne ne crierait sur ses enfants. Je crois avoir réussi parce que je le voulais vraiment.
Je ne sais pas vraiment comment j'ai fait. Au début, j'ai pris sur moi. Ca me rendait malade, j'en avais des maux d'estomac, de tout garder. Je ne criais plus, mais j'avais souvent une attitude de rejet: j'étais très souvent énervée, en dedans. A ces moments là, je n'avais pas envie de faire un câlin, un bisou, je n'étais pas à l'écoute...
J'ai répétés des mantras ridicules pour me calmer quand je commençais à m'énerver, j'ai parlé beaucoup, beaucoup, avec l'homme. On a établi tout un tas de stratégies plus ou moins loufouques, efficaces une semaine avant de tomber dans l'oubli.
J'ai surtout appris à la considérer, ma Pouillette, en entier. L'accepter avec ses défauts, son caractère que je ne peux pas changer, comme n'importe quelle autre personne de mon entourage.
Les gens, tu les prends comme ils sont ou tu ne les prends pas du tout car tu ne les changeras pas. Je le dis souvent, je dois pouvoir l'appliquer à mes propres enfants.
J'ai appris à relativiser. A ne pas tout prendre à coeur. A ne pas tout prendre pour moi.
A me dire que oui, souvent elle oublie d'éteindre les lumières, de fermer les portes, mais pas toujours. Et que ça ne vaut pas le coup de pourrir l'ambiance, et notre relation, pour ça.
A dire les choses au lieu de les crier.
J'ai accepté que répéter soit une part de l'éducation.
J'ai réintroduit de l'humour dans tout ça.
Au lieu de m'énerver, j'ai de la compassion.
Je fais beaucoup plus de câlins, de bisous. Je m'occupe plus d'elle comme un bon moment et plus comme une corvée parce qu'elle est trop lente.
Ce n'est pas parfait tout le temps, bien sûr. Même si je ne crie plus, je m'énerve encore parfois, souvent. Pour des broutilles, parce que c'est la 50ème broutille de la journée. Je dis, sans crier, des choses malheureuses, toxiques, que je regrette ensuite. Ou même pas, #BadMother que je suis. Je progresse, jour après jour.
Mais toute notre vie en a été transformée, vraiment.
Toi aussi, tente le coup. J'ai essayé: on peut!
Et toi, tu cries sur tes enfants?
Mon Être mère pour Babidji.