Pour moi, allaiter est une évidence qui prend aux tripes, un droit et un devoir. Attention, c'est MON opinion, jamais je ne me me permettrais de donner des leçons. Après tout c'est un choix personnel qui concerne chacune d'entre nous, et à la rigueur on ne devrait même pas en parler avec autant de polémiques...on le fait, ou pas, longtemps, ou pas, RAS.
J'ai allaité la Pouillette pendant 8 mois, et c'était du bonheur. J'ai bien eu des crevasses douloureuses pendant les 15 premiers jours, j'ai mis des bouts de seins en silicone et utilisé la crème au calendula des laboratoires Boiron, et ça a été très vite réglé.
Pour Cromignon, ça a été une autre histoire. J'ai eu les crevasses très vite, comme pour la Pouillette, dès la première tétée deux heures après l'accouchement. J'ai remis la même crème, j'ai mis les bouts de seins. Ça ne passait pas, ça avait plutôt tendance à s'aggraver. Mon mamelon gauche était très amoché, avec un gros cratère en plein milieu, on aurait dit que j'avais deux mamelons quoi.
Lorsque j'ai emmené le Cromignon se faire peser dans une PMI, au bout d'une semaine, une nana (je ne sais plus si elle était puéricultrice ou quoi...) m'a conseillé d'alterner les seins à chaque tétée, pour laisser le temps aux plaies de cicatriser. ERREUR FATALE!!! A cause de ce conseil j'aurais vraiment pu arrêter l'allaitement, car mes seins n'étant plus correctement drainés toutes les 2/3 heures, ils se sont engorgés et là ça a vraiment été l'enfer. Ma plaie au sein gauche s'est infectée, mes seins sont devenus énormes et rouges, très douloureux. J'avais de la fièvre. En plus de l'épuisement de l'opération (car j'ai accouché par césarienne) et du manque de sommeil. Au début de l'allaitement, je pense qu'il faut bien donner les deux seins à chaque tétée, tant pour bien stimuler la lactation que pour éviter l'engorgement. Après je parle de mon expérience personnelle, je ne suis pas spécialiste.
Lorsque le Cromignon tétait, je pouvais pleurer ou même crier de douleur tant j'avais mal. J'en suis venue à mordre un morceau de bois pendant l'allaitement pour ne pas crier. Au début, il pouvait téter pendant une heure sans lâcher le sein, dix fois par jour. Ça fait dix heures par jour de souffrance pure. Ma douleur de la cicatrice de césarienne, je ne la sentais même plus en comparaison. Honnêtement je n'ai jamais tant souffert de ma vie et je ne souhaite pas ça à mon pire ennemi. En dehors des tétées, je ressentais aussi la douleur, tant mes seins étaient tendus. J'ai essayé de les vider dans la douche, aucun résultat. Vu les plaies de mes mamelons, il était impensable de les vider au tire-lait. Sur Internet j'ai trouvé le témoignage d'une maman qui disait avoir réussi à vider ses seins grâce à un verre d'eau chaude dans lequel elle mettait son sein en pressant bien le verre. Ça m'a bien aidée, mais un quart d'heure après avoir vidé un sein je ressentais à nouveau une montée de lait et c'était reparti.
Après une semaine de ce régime sans voir aucune amélioration, j'ai appelé en pleurant la Leache League. Je suis tombée sur Adèle. C'était le 15 août. Eh oui les consultantes sont toujours joignables. Cette femme a simplement été merveilleuse. J'en ai encore les larmes aux yeux de l'écrire tant je déborde de reconnaissance. Elle m'a dit d'arrêter immédiatement l'alternance des seins et de bien donner les deux seins à chaque tétée pour les vider. Elle a su trouver les bons mots pour me rendre confiance, me remonter le moral, j'ai repris espoir en une possibilité de continuer d'allaiter et de guérir. Elle m'a immédiatement envoyé voir une consultante proche de là où j'emménageais (car oui j'ai déménagé dans la foulée, avec un Cromignon de 11 jours, la Pouillette, deux valises plus grosses que moi et l'inévitable lapin!) qu'elle a appelé pour la prévenir de l'urgence de ma situation.
En arrivant, j'ai immédiatement été voir d'abord une médecin généraliste qui m'avait été recommandée, et qui s'est montrée très douce et compréhensive. Là ou certains m'auraient dit d'arrêter d'allaiter vu l'état dans lequel j'étais (en pure perte, j'étais convaincue désormais que tout allait s'arranger et que ces 15 premiers jours allaient bientôt être derrière moi). J'avais donc une mastite, donc antibios, et en prime une mycose, donc traitement de 3 semaines anti-mycose.
Et ensuite je suis allée voir la consultante. Elle m'a montré une nouvelle position pour allaiter (la pose s'appelle l'a madone inversée pour celle qui s'y connaissent...) qui a permis de changer les points de pression où Cromignon appuyait et ainsi réduire considérablement la douleur, tout en permettant une cicatrisation puisque les plaies étaient moins sollicitées. Et elle m'a aussi dit que le Cromignon avait le frein de langue trop court et que ça me sciait le sein, qu'il fallait le couper. J'ai juste halluciné que personne à la maternité d'abord ne se soit penché sur la question!
D'ailleurs petite parenthèse sur le sujet de la mater. A la visite chez le pédiatre, qui était une pédiatre allemande avec autant de douceur qu'un déménageur manipulant des cartons non fragiles, pour la sortie de Cromignon:
"-Vous avez un beau bébé, c'est bon vous pouvez sortir demain. Et continuer à avoir des bébé." ("....!!!!!")
"-euh...merci...au fait j'ai des crevasses et ça s'aggrave chaque jour..."
"-ah bon? Passez au biberon."
-"....ben euh non, je voudrais l'allaiter vous savez..."
Et tac, papier de sortie signé. Je passe sur le côté complètement navrant, ubuesque, hallucinant et j'en passe de cette conversation avec une jeune mère césarisée, de la part d'une pédiatre qui devrait connaître les avantages sanitaires de l'allaitement, ou tout au moins respecter le choix des autres, et aussi peut être jeter un oeil sur le frein de langue...
Donc le lendemain j'ai trouvé une ORL qui a compris l'urgence et m'a reçue avec Cromignon, lui a coupé son frein de langue.
A partir de là j'ai pu allaiter Cromignon. Plus dans la douleur, mais dans le bonheur, comme il se doit. Mes crevasses ont mis très longtemps à cicatriser, sans que je comprenne pourquoi, mais je n'avais plus si mal. A la fin je pense que ce qui a définitivement réglé le problème, ce sont les coquilles d'allaitement Avent (encore, mais oui!). Car j'avais auparavant acheté des coquilles en pharmacie qui n'étaient pas du tout ergonomiques et me blessaient le sein! Dès que j'ai eu les Avent, j'ai vu la cicatrisation s'accélérer.
Ce calvaire n'a duré que deux semaines. Mais je ne pense pas oublier un jour.
Et désormais je sais deux choses: d'une part si ça a duré aussi longtemps c'était de ma faute. Entièrement. J'aurais du avant d'accoucher aller à des réunions de la Leache League. J'aurais du les appeler dès la sortie de la maternité plutôt que de faire confiance à la PMI. Je n'aurais pas du avoir autant confiance en moi parce que l'allaitement de la Pouillette s'était bien passé et que mes crevasses du début avaient bien guéri.
La deuxième chose c'est qu'en France, l'allaitement, c'est secondaire. Si vous avez des galères et que vous ne savez pas où vous adresser, si vous ne tombez pas sur les bonnes personnes, vous êtes mal barré.
Aujourd'hui le Cromignon a 9 mois. Je l'allaite toujours, il prend 3 ou 4 tétées par jour, et c'est du bonheur.
C'est mon témoignage pour Véronique Darmangeat, consultante en lactation.